Assemblée nationale ►Prostitution : la « drôle de décision » de pénaliser les clients

Depuis le 12 juillet dernier, à quelques jours de la fermeture des portes de l’Assemblée Nationale pour les grandes vacances de ses parlementaires, la majorité y a voté le texte visant à s’en prendre aux clients des prostituées dans notre pays.

La loi a eu beau passer entre les mains des sénateurs, qui l’avaient pour le moins érodée… la majorité des députés a tranché en dernière lecture. On appliquera des poursuites envers les « usagers ».

De Marthe Richard à  Anne Hidalgo et N. K. M.

Les tentatives de règlementation du plus vieux métier du monde sont probablement aussi vieilles que le métier lui-même. Vu de loin, dans le brouillard de l’espace depuis la planète Vénus (forcément), le fait n’est pas d’une importance colossale. Pourtant s’il n’est pas très reluisant de payer pour assouvir un désir sexuel, l’exercice de la  prostitution est lui une question très personnelle. Les femmes qui choisissent de se vendre pour des raisons qui les regardent n’ont qu’à le faire. Ce qui est beaucoup plus immoral, insupportable, c’est le contexte dans lequel certaines d’entre elles pour ne pas dire la majorité sont obligées d’exercer. Et bien sûr c’est là qu’il faudrait frapper très fort. Réseau, embrigadement, proxénétisme, esclavagisme, tout ceci est monstrueux et mérite qu’on sanctionne violemment les vrais criminels qui en tirent les ficelles.

Marthe Richard, élue de Paris, obtenait la fermeture des maisons closes en 1946. Pouvait-elle imaginer un instant que soixante dix ans plus tard, on aurait à assister impuissants (sans jeu de mot) au ballet pathétique d’enfants roumaines de 16 ans qui déambulent du côté de la porte d’Aubervilliers, perchées sur les talons de chaussures trop grandes, le visage barbouillé de rouge à lèvre mal posé ? C’est au nom de la morale et de la dignité féminine qu’on a bouclé les bordels en leur temps… sortant de facto la prostitution de tout contrôle, y compris sanitaire. On disserte encore sur le bien-fondé de la mesure !

NKM, elle aussi élue de Paris, qui ne milite pas du tout comme chacun sait dans la majorité actuelle, est très active dans le discours et donnait récemment des interviews très visibles, prenant position de manière définitive contre les « consommateurs », rejointe par Anne Hidalgo, maire de Paris, son adversaire d’hier, qui veut se débarrasser des centaines de salons de massage chinois où seul le mot chinois est à peu près confirmable !

Une loi stratégique

Cette loi a un seul mérite : elle va faire baisser substantiellement le nombre des consommateurs. Ils sont en général inquiets, pas forcément très fiers de leur comportement et évidemment très influençables. La seule perspective de se faire prendre, avec les conséquences et les répercussions possibles chez eux, va en guérir une bonne partie pour longtemps.

Ainsi, de manière très jésuite, on ne touche pas aux prostituées, mais on dynamite leur fonds de commerce… c’est habile et sûrement très efficace. Pour le reste, l’hypocrisie reste la reine du bal des faux nez. Car pendant qu’on légifère sur le sujet, en se donnant des bouffées d’air frais chargées de moralité, de féminisme, d’humanisme et de modernité,  des dizaines de petits camions blancs habités de jeunes femmes venues d’Afrique, portant toutes les mêmes sous vêtements par le fruit du hasard, jalonnent toutes les forêts de l’Ile de France… La pratique a plus de 15 ans, on n’a jamais trouvé le moindre moyen de l’éradiquer !

La loi contre les clients aura-t-elle raison du plus vieux métier du monde ? Evidemment que non. Il existe aujourd’hui des réseaux d’ « escort-girls », en France, dans toute l’Europe et dans le monde entier, utilisant elles aussi… les nouvelles voies de la communication. Et là, il sera bien difficile de coincer un « consommateur » se rendant à un rendez-vous privé, dans un lieu privé, pris via Internet !

Alors, un grand coup d’épée dans un grand volume d’eau froide, cette loi contre les clients ?

Elle aura au moins eu le mérite de donner bonne conscience à tout le monde. Ça marche toujours.